Santé mentale des MENA: les structures sont-elles adaptées?

On parle beaucoup des migrants en général mais très peu des MENA. Ces jeunes mineurs demandeurs d’asile qui, quand ils arrivent en Belgique, cherchent réconfort et sécurité. Mais est-ce vraiment ce qu’on leur apporte et qu’en est-il des structures mises en place pour les aider à aller mieux?

« Je suis une personne qui a fui son pays et toute sa vie pour venir chercher un refuge et un avenir. » , raconte Zakia, jeune syrienne de 20 ans au moment de son récit pour Amnesty International. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles les jeunes sont amenés à migrer. Que ce soit pour échapper à la guerre, la violence, l’insécurité, la persécution, l’exploitation sexuelle ou le travail forcé, leur but est le même: fuir une situation dangereuse et trouver une sécurité ailleurs. Malheureusement, le trajet jusqu’au pays de destination n’est pas des plus simples, et l’intégration dans le pays d’accueil non plus.

Une rupture qui continue

« Après avoir quitté leurs familles, leurs pays et leurs cultures, les mineurs étrangers non accompagnés arrivent dans un pays dont ils connaissent très peu et parfois rien du tout. » Explique Alexandre Cohen, psychologue spécialisé pour les mineurs étrangers non accompagnés. « Ils sont placés dans des centres d’observation puis dans des structures plus grandes. Ils y restent parfois quelques semaines ou mois avant d’être déplacés ailleurs, en attendant une réponse pour leurs demandes d’asile. Que ce soit dans les centres pour étrangers ou à l’école dans les classes d’accompagnement spécialisées pour primo-arrivants, les jeunes sont directement mis à l’écart et ne peuvent donc pas correctement s’intégrer à la société », continue-t-il.

Dans le doute constant de devoir repartir, ces jeunes n’ont donc pas ce sentiment de sécurité d’enfin pouvoir déposer leur valise et construire une nouvelle vie. Le psychologue affirme « qu’en passant d’un centre à un autre, ils n’ont pas le temps de s’habituer et le processus de rupture dans lequel ils sont depuis le début continue. Ils ne s’autorisent donc pas à s’épanouir complètement ni à se lier d’amitiés tant qu’ils ne sont pas sûrs de pouvoir rester. »
Les mineurs sont marginalisés dès leur arrivée. Ils se sentent mis de coté par un pays où ils venaient chercher du réconfort, ce qui crée un sentiment de solitude et de nombreux symptômes qui produisent un effet désastreux sur leur santé mentale.

Structures inadéquates

Les mineurs sont un public très vulnérable. Quand un jeune vit un événement traumatique, il a besoin d’être dans un endroit très sécurisé pour pouvoir travailler le trauma et mettre du sens sur ce qu’il a vécu. Il faut qu’il soit encadré pour sortir de l’effroi et de la peur qu’il ressent, afin de se sentir rassuré et pouvoir combattre ce qu’il a vu et subi. Cependant, certains Etats privilégient le contrôle de l’immigration au détriment de la protection des mineurs, en utilisant des pratiques qui bafouent les droits de l’enfant.
Selon Alexandre Cohen, « la majorité des dispositifs mis en place sont inadéquats et aggravent donc les traumas des enfants et en les empêchant d’aller mieux. » Pour lui, « supprimer des centres spécialement pour MENA et mélanger les enfants et les adultes est la pire chose à faire. »

Certains centres sont spécialisés pour les mineurs étrangers non accompagnés, mais très peu. Il arrive très souvent que les enfants soient placés avec des adultes, ce qui ne leur donne pas assez de liberté et n’améliore pas leurs problèmes psychiques. Mélanger des personnes de tout âge confondu dans ce type de centres donne lieu à des abus sexuels et toujours d’après Alexandre Cohen, cent pour cent des plaintes déposées à ce jour n’ont pas abouties.
Suite à un manque de tuteurs pour accompagner les mineurs, certains attendent des mois avant de se voir attribuer une personne sur laquelle ils peuvent compter. Selon Amnesty International, six cent cinquante MENA attendaient l’attribution d’un tuteur en 2016, ce qui en a conduit certains à des situations à risques. En 2015, soixante-six disparitions jugées très inquiétantes ont été signalées par Child Focus.

Centres d’accompagnements

Certains organismes offrent un espace pour mettre les jeunes à l’aise en leur permettant d’être en confiance pour s’exprimer, mais la différence de culture empêche parfois les mineurs de se confier. « Dans des pays comme la Syrie ou l’Afghanistan, la possibilité pour un jeune de s’exprimer sur ses problèmes à un adulte est impensable, d’autant plus si cette personne est du sexe opposé. Après un certain temps, les mineurs comprennent souvent que la Belgique est un pays avec une culture différente et qu’il leur est possible, grâce à un système d’accompagnement et d’assistance, de s’exprimer sur ce qu’ils ressentent. Mais la barrière de la langue ou les croyances de chacun font que certains refusent ou ont besoin d’une longue période d’adaptation avant d’accepter de se livrer. » explique le psychologue.

Une question de priorité

D’après une étude effectuée par la coordination des ONG des droits de l’enfant, le manque de place dans les institutions spécialisées pour les MENA possédants des problèmes psychiques serait dû à un manque de moyens. Alexandre Cohen réagit à cela en affirmant que le manque de place n’est pas dû à un manque de moyens mais à un manque de priorités. Selon lui, « Théo Franken bousille tout et change de discours sans arrêt en trouvant de nouvelles excuses à ses actes. Un jour il n’y a pas assez de place et on ouvre des centres puis six mois plus tard, on estime le nombre d’arrivées moins élevé et on en ferme. » 
« Parfois, il ferment des centres pour MENA et mélangent les enfants aux adultes pour économiser de la place. En ne laissant pas assez d’espace aux jeunes et en les excluant de la société, on leur enlève leur identité et on les empêche de s’épanouir. En faisant cela, leur santé mentale se détériore et cela accentue le besoin de structures spécialisées » confie-t-il.
Le psychologue qualifie le discours sur la place et l’accueil des migrants d’irrationnel et de totalement incohérent. « Un discours politique qui vise à parler à l’opinion publique en faisant des stratégies politiques au lieu de prendre le réel problème en considération ». Selon ses dires, débloquer de l’argent est tout à fait possible si on le veut, mais c’est avant tout une question de priorité.